Développer l’éducation de l’odorat des enfants est le thème majeur de notre association. Mais comment s’y prendre ? Dans cet article, nous présentons l’expérience de Mr Jean-Noël JAUBERT, alors chercheur du CNRS au Muséum national d’Histoire Naturelle, qui a été un pionnier dans ce domaine il y a plus de 40 ans. Il nous a aimablement fait parvenir un texte écrit en 1986 pour une conférence qu’il a présentée au séminaire de la semaine de l’école des sens, La planète alimentaire, Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette. Vous verrez dans cette retranscription que son approche et ses remarques sur l’éducation de l’odorat des jeunes enfants sont toujours, étonnamment, d’une vive actualité. Quoique ces travaux soient assez anciens, et que l’auteur a depuis acquis une plus grande expérience, ces observations peuvent constituer une bonne base de réflexion pour ceux intéressés à développer l’odorat des jeunes enfants. Didier Trotier
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Découverte des odeurs par des populations enfantines
Jean-Noël JAUBERT
(Parfums, cosmétiques, arômes n°72, 1986)
Dans le cadre d’une recherche sur les molécules odorantes, nous avions ressenti comme une gêne le fait que des adultes ne puissent parler des « odeurs » qui leur étaient soumises sans évoquer des expériences, des évènements, des aliments… L’ensemble des données recueillies nous étant paru trop complexe pour en faire un traitement simple, nous avions alors pensé que des enfants, les plus jeunes possibles, moins riches en expérience et moins « contraints par la culture », pourraient peut-être donner des réponses plus « natives » et donc plus proches de leur sensation propre. C’est pourquoi, depuis 1980, nous poursuivons des observations sur la rencontre d’enfants et d’odeurs, tout en mettant en place une structure d’éveil à tout ce secteur sensoriel qui débouche sur un programme de formation pour les plus grands.
Très rapidement rebutés par la difficulté de communiquer avec les nourrissons et les tout-petits, nous nous sommes orientés vers les enfants des classes maternelles auxquelles nous avons ajouté par la suite des élèves d’école primaire.
Ce sont les observations faites sur le comportement de plus de trois cents enfants que nous vous livrons ici.
Les essais effectués
Les tableaux ci-joints (1 et2) donnent l’ensemble des essais réalisés en fonction de l’âge des enfants.
Notre démarche cherche à éviter tout élément directif et toute forme d’apprentissage systématique.
Nos expériences antérieures nous ayant montré toute la subjectivité qui peut résider dans l’identification de senteurs à partir d’images partielles, nous ne demandons jamais à l’enfant d’essayer de reconnaître quoi que ce soit. Il reste libre d’exprimer les ressemblances éventuelles qu’il peut trouver.
Les enfants peuvent suivre leur rythme, choisir leurs expressions, le responsable se contente de distribuer les mouillettes parfumées et d’observer. Bien entendu, il ne présente aucun prototype du bon travail et ne donne pas ses propres impressions.
En fin de séance, les enfants disposent à leur guise de leurs mouillettes.
Les manipulations sont réalisées de la manière suivante :
- des petits groupes d’enfants sont constitués de trois à huit enfants qui se choisissent eux-mêmes dans la limite du possible ou selon les habitudes de la classe ;
- une séance dure d’une demi-heure pour les plus petits à une heure pour les plus grands ;
- les produits sont présentés de manière totalement anonyme sur des mouillettes imprégnées. Pour des raisons de commodité, les substances utilisées sont en solution alcoolique à des concentrations moyennes de 1/10 à 1/1000 et parfois moins selon leur puissance. De toute manière, on prend soin d’évaporer l’alcool pendant deux minutes environ en agitant les mouillettes avant de les donner aux enfants. Les solutions sont incolores, mises dans de petits flacons repérés par un simple numéro ;
- la liste de quelques produits utilisés est donnée sur le tableau 3, mais à chaque séance on ne propose pas plus de sept produits pour les plus petits et parfois une dizaine pour les élèves d’école primaire ;
- comme indiqué au tableau 1 quelques essais particuliers sont demandés.
Appréciation des odeurs perçues dans des espaces donnés : le petit groupe d’enfants se déplace dans la classe, dans le couloir ou dans les cours et les bâtiments et est invité à faire part de ses impressions olfactives au cours du déplacements pour les plus petits, après pour les enfants des plus grandes classes.
Appariement : on confie à un enfant trois crayons-feutres de couleurs différentes et on lui en présente un quatrième de l’une de ces trois couleurs précédentes. Il doit désigner les deux couleurs identiques. L’enfant ayant bien compris l’essai, il doit faire la même chose avec trois, plus une, mouillettes.
Reconnaissance : il ne s’agit pas d’identifier une note aromatique mais seulement de savoir si l’enfant reconnaît, pendant une séance, une substance odorante déjà présentée à la séance précédente.
Dégustation de sirops du commerce dilués à 1 pur 10. La manipulation a surtout pour but de faire découvrir le rôle unique du nez dans ce qui est communément appelé « le goût ». L’enfant a la boisson dans un gobelet et se pince le nez, il ne cessera le pincement qu’au « top » du responsable ; il met le liquide dans la bouche, repose le gobelet et seulement il est autorisé à lâcher son nez pour découvrir le parfum du sirop : nous avons utilisé des sirops grenadine, fraise, orange et menthe normalement colorés, mais il aurait été possible de modifier les couleurs pour accroître les effets de la découverte du parfum.
Expression colorée : devant la difficulté des jeunes enfants d’avoir une expression verbale et tout particulièrement vis-à-vis des odeurs, et notre recherche d’une expression associative la plus primaire possible, faisant abstraction de l’acquis culturel, nous avons choisi une expression par appréciation subjective de couleurs aux stimuli olfactifs. L’enfant reçoit un sachet de quinze feutres de couleurs différentes (et a en outre la possibilité de laisser une case blanche) et une fiche (Fig. 1) adaptée à son univers : la barre noire permet de positionner la fiche sans ambiguïté, les cases sont repérées par des signes conventionnels qu’il connaît. L’essai consiste à demander à l’enfant de choisir le crayon feutre dont la couleur lui paraît proche de l’odeur perçue sur la mouillette qui lui est remise.
Descriptif : nous avons évité d’effectuer un essai systématique mais nous nous contentons de relever les expressions (hédoniques ou descriptives) données par les enfants à propos des odeurs proposées.
Association : on apprend aux enfants à percevoir simultanément les odeurs de plusieurs mouillettes par la méthode du positionnement relatif et on leur laisse faire les associations qu’ils souhaitent. On se contente de relever le but qu’ils recherchent dans leurs essais.
Apprentissage : pour les plus grands (à partir de huit ans), et dans le cadre de démarches purement éducatives, nous apprenons une méthodologie de connaissance et de reconnaissance des stimulations olfactives puis on leur fait découvrir des moyens de les nommer en évitant les amalgames erronés. En effet :
– un corps pur ne représente pas une entité odorante naturelle complète (ex. l’aldéhyde C16 n’est pas de la fraise) ;
– un extrait ne saurait être confondu avec le végétal (ex. l’essence d’orange n’est pas l’orange et encore moins une autre partie de l’orange qu’est le jus habituellement consommé).
L’ensemble de ces essais sont régulièrement repris tous les ans et certains ont fait l’objet d’analyses plus spécifiques.
Les observations faites
A la suite des essais énumérés ci-dessus, nous avons fait un certain nombre d’observations dont nous vous livrons celles qui nous semblent les plus intéressantes et pour lesquelles il ne faudra pas essayer d’en généraliser la portée, compte tenu des limites de notre expérimentation.
Découverte de l’odorat
Un point commun entre tous les âges : sentir est une véritable découverte et ce, tout particulièrement dans les populations urbaines.
Dès qu’il a compris ce qu’il devait faire, le jeune enfant (dès deux ans et demi) prend la mouillette à pleine main (ce dont nous n’avons pas l’habitude dans nos professions), la porte à son nez et reste là quelques instants à flairer, les yeux écarquillés. Sa réaction suivante est de faire partager sa sensation en portant la mouillette avec plus ou moins de précision sous le nez de son camarade le plus proche ou sous celui du responsable. On verra, à la sortie, les enfants se précipiter vers les enfants venus les attendre et leur imposer un paquet de mouillettes à sentir. De même, il faut noter la concentration qui traduit l’intérêt de certains enfants qui ferment parfois les yeux pour mieux sentir leurs mouillettes.
Il arrive parfois que l’enfant se trompe d’extrémité de mouillettes, on le voit alors soucieux à la recherche de la sensation.
Pour les plus grands, à partir de quatre ans, on commence à avoir des expressions verbales. Les commentaires deviennent plus nombreux à partir des classes primaires, l’enfant cherchant à reconnaître, puis à partir de 9 ans à nommer.
Les enfants ayant découvert leur odorat, nous nous appliquons à leur montrer qu’ils vivent dans tout un espace odorant. S’il est difficile de prendre en compte les balbutiements des tout-petits, en revanche, on note qu’à partir de 3 ans et demi, 4 ans et jusqu’à 5 ans et demi, les enfants parlent des odeurs qu’il reçoivent en ne prenant de référence que parmi d’autres personnes (par exemple, un camarade « ça sent Michael ») et parfois par des transferts plus ou moins simples : « ça sent papa », alors que nous avions une bonne bouffée d’herbe fraîchement coupée, l’enfant ayant fini par préciser « ça sent papa quand on coupe la pelouse ».
En classe primaire, on va très rapidement s’éloigner de référence à des humains (Fig. 2) pour en venir à des objets et parfois même effectuer un transfert en sens inverse : ainsi cet enfant de CE1 qui, avec une mouillette imprégnée de néroli, reconnaissait l’odeur de la « poussette » ; l’ayant fait parler un peu plus sur ce sujet, il précise « ça sent la poussette quand on y met le bébé » (certaines eaux de toilette de bébé ont effectivement un parfum proche du néroli).
[Commentaire en 2022 : les courbes sont celles que j’avais tracées à main levée pour illustrer mes propos lors des conférences et rassemblent des résultats obtenus auprès de plusieurs groupes pendant plusieurs années (les conditions expérimentales n’étaient pas rigoureusement les mêmes et les groupes hétérogènes). C’est plus l’idée que la rigueur scientifique qu’il faut retenir. Les formations que nous avons pu conduire par la suite ont toujours confirmé ces observations. Il est bon de rappeler ceci aux lecteurs ainsi que l’ancienneté de ces travaux; j’aurais probablement rédigé les choses différemment de nos jours. JN Jaubert].
Les élèves de maternelle semblent assez précis, ils peuvent reconnaître le parfum de leur maîtresse et le propriétaire d’une écharpe à son odeur ; plus tard, les choses deviennent plus confuses. Là aussi, les populations rurales que nous avons eues pourraient être légèrement plus performantes.
A noter que nous n’avons rencontré qu’une seule fois un enfant (une petite fille) qui ne semblait rien percevoir.
Enfin, la correction d’une idée fausse très généralement répandue nous a semblé indispensable. Ce que tous appellent le « goût » de fraise, de menthe …. n’est pas perçu dans la bouche mais bien au niveau de la fosse nasale. Avec une certaine application et parfois plusieurs échecs pour les petits, mais dès le premier essai à partir de huit ans, il est très amusant dans tous les cas de voir l’émerveillement des enfants qui sentent tout d’un coup, après avoir lâché leur nez, le sirop qu’ils consomment.
Appariement
Les observations que nous avons pu faire à propos de cet essai nous ont beaucoup surpris. En effet, si dès les plus petits l’appariement des couleurs marche assez bien, l’appariement des odeurs ne commence à donner des résultats qu’après 7 ans. Nous sommes cependant conscients qu’il existe une différence importante entre les deux essais, puisque dans le premier cas l’enfant a les références simultanément sous les yeux alors que les odeurs doivent se succéder sous son nez, ce qui exige donc un minimum de mémorisation. Mais on a vu que la mémorisation des odeurs était tout à fait possible même chez les tout-petits (reconnaissance). En outre, on constate très rapidement que si l’odeur à apparier est connue de l’enfant (« bonbon à l’orange », « yaourt à la fraise »), il est tout à fait performant dès son plus jeune âge et ne répond plus du tout au hasard ; il cherche, s’applique et trouve la bonne réponse (fig. 3).
Nous ne savons pas à partir de quel âge un enfant satisfait au même test avec des notes de musique, mais nous savons, pour l’avoir vécu, qu’un adulte confronté à une culture musicale qu’il ne connaît pas, en l’occurrence la musique arabe, est pratiquement incapable de distinguer une mélodie d’une autre.
Quel est le poids de la culture sur nos perceptions ? Cette question pourrait faire un excellent sujet de travail.
Il nous semble que, dans le cas de l’odorat, on pourrait prendre comme hypothèse de départ qu’une odeur est le fruit de la conjugaison d’un stimulus avec, de manière prépondérante, un acquis culturel. Le stimulus agissant comme un simple détonateur d’images mémorisées, la manière dont est ressentie l’odeur étant plutôt le fruit du vécu de l’individu. Ceci pourrait être d’autant plus vrai que les odeurs ne font pas appel en totalité à un acquis commun (comme nous l’avons déjà entrevu précédemment) du fait que contrairement aux autres sens :
– il n’y a pas d’approches objectives : mesures instrumentales du stimulus.
– on ne dispose pas d’un langage préétabli et appris : ainsi, si le bleu peut être aisément imaginé par chacun d’entre nous sans faire appel à ses souvenirs de vacances au bord de la Méditerranée (ou des objets précis), il n’en va pas de même pour le caproate d’allyle que l’on ne saurait reconnaître que par le rapprochement d’un dessert avec de « l’ananas ».
Aussi, est-il probable que l’invariant des odeurs soit la conjugaison de données chimiques et culturelles, les variations individuelles venant se juxtaposer.
Manifestation de l’hédonisme
Ayant par le passé plutôt l’habitude de travailler avec des adultes qui, faute de langage, se contentent le plus souvent de dire « c’est bon » ou « ce n’est pas bon » en mettant le nez sur une mouillette, nous avons été surpris de ne jamais entendre de telles manifestations avec les enfants d’école maternelle pourvu que les concentrations de substances restent dans la limite du raisonnable.
Une concentration très élevée provoque un éloignement et une grimace, l’expression verbale qui accompagne étant plutôt « ça pique ».
Les premiers « bon » et « mauvais » n’apparaissent qu’en CP, le maximum de ces manifestations se situe en CE2-CM1 avec le plus souvent le rôle prépondérant d’un leader qui s’impose dans la petite équipe, les autres suivent avec plus ou moins de conviction, sans doute selon la force des liens de dépendance qui se sont établis avec le « leader ». On observe rarement des manifestations contradictoires et des conflits sur l’appréciation des odeurs proposées.
Le phénomène est moins caricatural pour les enfants plus âgés (10-11 ans), ils ont sans doute un peu plus de personnalité et surtout un comportement plus réfléchi, le souci de reconnaître et de nommer passe avant les réactions individuelles.
L’évolution du poids des manifestations de l’hédonisme (Fig.5) telle que nous avons pu l’observer tendrait à montrer encore une fois que, sous cet aspect aussi le poids de l’acquis et du culturel a un rôle moteur. On voit d’ailleurs ici encore les différences entre substances reconnues et celles qui ne le sont pas : l’enfant manifeste plus tôt sa satisfaction devant une essence d’orange douce qui lui rappelle un bonbon.
Nous ne nous permettrons pas de dire que jusqu’à 6 ans l’enfant n’a pas le goût formé, mais il semble plus malléable. En tout cas nous en profitons pour attirer l’attention de ceux qui utilisent des jurys d’enfants sur l’aspect très aléatoire des réponses qui peuvent être données jusqu’à 11 ans. Une étude approfondie sur ce sujet nous semble indispensable.
Expressions colorées
L’essai ne fonctionne correctement qu’avec des enfants d’âge supérieur à 3 ans et demi et inférieur à 6 ans. Les plus petits ne donnent pas une répétabilité correcte, les plus grands distribuent les couleurs par analogie avec des produits qu’ils connaissent, comme le font d’ailleurs les adultes.
Les résultats obtenus ont déjà été utilisés dans différents comptes-rendus : choix des couleurs de notre organisation du champs des odeurs, recherche des corrélations entre les odeurs et les sensibilités. Nous ne reprendrons pas ici en détail ces différents points. Sachons seulement que par le biais des odeurs soumises, nous avons à peu près retrouvé la structuration des espaces couleurs/psychologie connue avec trois étages : alimentaire, communication, spiritualité, et les pôles agressifs et répulsifs.
Un effort de reconnaissance
A partir de l’école primaire, l’effet didactique de la rencontre des odeurs se manifeste de plus en plus. Les enfants cherchent à apprendre : leur satisfaction se voit quand ils ont reconnu et quand ils ont pu nommer la substance. A ce jeu aussi , les populations urbaines semblent défavorisées, les enfants s’expriment moins bien sur les odeurs et semblent avoir moins de souvenir. Nous avons d’ailleurs fait la même observation sur des étudiants (20 à 22 ans).
Néanmoins, nous relevons une fois de plus l’absence de culture dans le domaine des odeurs : pas de sensibilisation, pas de vocabulaire, pas d’expressions (les seules combinaisons faites par les enfants s’efforcent d’être des copies). Il est curieux de voir que les parents et l’école enseignent à l’enfant l’usage de son corps, de ses yeux, de ses oreilles, parfois on parle du goût, mais jamais de l’odorat.
Notre action, certes, va contre ce courant et nous avons mis au point un langage qui est déjà diffusé, mais nous souhaiterions aller encore plus loin.
On peut voir d’ailleurs qu’avec une méthode simple l’enfant est assez rapidement capable d’apprendre et de reconnaître puis de mémoriser.
Pour ce travail, nous n’utilisons que des objets odorants réels et non des ersatz ou des leurres : ainsi disposons –nous dans de petits bocaux (type bocaux à aromates) l’objet odorant lui-même (terres humides, pétales de roses, grains de poivre, fleurs de tilleul, ray grass broyé, etc.). Le petit bocal a été extérieurement enduit de peinture noire et contient si nécessaire un peu de coton pour éviter le ballotement de l’objet ; ce dernier est recouvert d’un morceau de gaze. L’enfant peut donc bien se consacrer à la perception de l’odeur, l’identifier et la nommer sans distorsion ni perversion comme on l’a vu trop souvent, puisque c’est bien l’objet odorant qui donne l’odeur et qui est nommé et non un corps chimique ou tout autre substance qui n’ont parfois de similitude que la bonne volonté du responsable ou sa fuite des difficultés. La reconnaissance des substances chimiques se fait en tant que telle avec, bien entendu, une simplification des noms en utilisant des appellations de connivence, ce qui suffit largement tant que l’on ne cherche pas à former des parfumeurs ou des aromaticiens.
Conclusion
Dans un contexte éducatif qui se conforme aux démarches habituelles :
- éveil de l’enfant à l’usage de ce sens tant oublié, qui a peut-être beaucoup plus d’importance que la place que peut bien lui laisser notre système d’enseignement ;
- reconnaissance des sensations odorantes demandant déjà un effort ;
- mémorisation à la fois des sensations et du langage correspondant qui permet de nommer et donc une réelle communication qui dépasse celle qu’avait trouvée le plus petit en tendant la mouillette sous le nez de son camarade ou de ses parents.
on obtient déjà des résultats satisfaisants.
Mais en plus, les constatations faites peuvent orienter sur une meilleure connaissance du monde des odeurs. Si nos quelques observations devaient être vérifiées par des approches systématiques, on pourrait apporter quelques éclaircissements.
Les populations urbaines ont-elles obligatoirement le sens olfactif plus réprimé que les populations rurales ?
Si le poids de l’acquis culturel est effectivement important dans la perception d’une odeur, n’est-il pas normal que les chercheurs éprouvent de telles difficultés à rechercher une relation structure/activité bi-univoque, difficultés accrues encore par l’usage d’expressions verbales qui pourraient, en l’absence d’éducation spécifique, n’être que subjective ?
A la réflexion, on peut se demander si le phénomène n’est pas analogue pour la majorité de nos perceptions. La différence entre l’odorat (auquel vient peut-être se joindre l’appréciation de la texture) vient du fait que les parents ne savent pas (sauf peut-être dans les dynasties de parfumeurs) transmettre une culture à leur descendance faute de base objective et de langage spécifique. Depuis les sources indo-européennes des mots que nous utilisons, les différents sens ont su constituer un lexique, l’odorat non, à moins qu’une démarche quelconque ne l’ait depuis occultée.
Une approche globaliste, intégrant les éléments de culture semblerait-elle mieux appropriée ? Voilà donc, en guise de conclusion, les questions soulevées par nos observations. Nous souhaitons des réponses au moins partielles avant le troisième millénaire. La connaissance des enfants qui constituent une grande part de la population d’aujourd’hui et seront eux-mêmes devenus la population de demain et la manière dont naît un consommateur ne peuvent que passionner les chercheurs, intéresser les industriels, motiver nos éducateurs et concerner notre économie.
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Pour aller plus loin:
Dans un article de 1990 « Des éléments de la construction de notre référentiel olfactif« , téléchargeable ici, Jean-Noël JAUBERT poursuit sa réflexion sur l’éducation olfactive des enfants pendant la période néo-natale et la prime enfance et au cours des débuts de la vie sociale (de deux ans et demi à 12 ans).
En collaboration avec Jocelyne DUCHESNE (institutrice) il a également publié un livre » Découvrons les odeurs » (Nathan, 1989).